Ce que le sport apporte mentalement à un dirigeant d’entreprise….

 


Si 58% en moyenne des français pratiquent une activité physique au moins une fois par semaine (1), et notamment les 18-24 ans, les dirigeants d’entreprises ETI/TPE/PME sont quant à eux 87% (2) à le faire. Et pour plus de la moitié, ils y consacrent au moins 2h par semaine. Les sports les plus pratiqués sont la course à pied et la randonnée.

Qu’est-ce que ces dirigeants d’entreprise à l’agenda serré, aux préoccupations constantes trouvent dans l’activité physique ? et en quoi cette activité physique les rend meilleurs professionnellement notamment au niveau mental?

Voici un tour d’horizon avec 6 témoins clefs :

  • Norman Wende, 40 ans, ex rugbyman professionnel (pilier) international belge, finisher de plusieurs UltraTrail, et dirigeant fondateur de Heras (10 salariés, 1M€ de chiffre d’affaires plâtrerie plaquiste) en lice pour le concours de Meilleur Ouvrier de France (MOF),
  • Jean-Francois Roulaud, 56 ans, ultra traileur et alpiniste (notamment tous les 4 000m d’Amérique du Sud), il est un des dirigeants de EPICURE entreprise spécialisée en protection antichute de hauteur (1.7M€ de chiffre d’affaires, avec 10 salariés),
  • Roxanne Galarneau, 40 ans, cycliste (étape du tour du Paris Nice 2022) et marathonienne (record personnel 3h19), elle est Compliance Officer au sein du comité de direction de Origin Group (30M€ de CA),
  • Christophe Leray, 52 ans, 1er français de sa catégorie à la “finale mondiale” Ironman à Hawaï en moins de 10h (octobre 2022), il est chef d’entreprise de DOVI (optimisation des installations techniques énergétiques et de process),
  • Lionel Jourdan, 45 ans, recordman de l’épreuve Enduroman Arch2Arc en moins de 50h (course non stop : 140km de course à pied de Londres à Douvres – traversée de la Manche à la nage – 291km de vélo pour rallier Calais à Paris), il est dirigeant de Plomberie du Rhône (600K€ de chiffre d’affaires). Lionel est très engagé contres les violences faites au femme au travers de « I Endure For Her »,
  • Sébastien Pras, 49 ans, cycliste sur de nombreuses courses et PDG de Socoma (6M€ de chiffres d’affaires – 50 salariés), spécialiste de la charpente métallique qui vient de racheter Tramet,
  • Pour ma part, j’ai 51 ans, plusieurs ultratrails terminés, dirigeant de RH5 et fondateur de l’application WaffApp (membre de la French Tech).

Les 6 thèmes permettant de mesurer cet apport du sport au travers de leurs témoignages sont les suivants : l’énergie (ou le rapport au corps et la notion de repos), la gestion du stress et de l’échec, la confiance en soi, la motivation, la gestion des objectifs et le comportement dans l’action (ténacité ou « Grit » et créativité).

Energie : c’est aussi apprendre à se reposer…. Et remettre le corps dans l’entreprise.

Trop souvent le dirigeant a son corps qui disparaît ou plutôt se dissout dans l’entreprise. Le dirigeant doit être ainsi tout le temps à fond, ne jamais se reposer, être toujours en mouvement et incarner l’entreprise avec ses valeurs et son dynamisme. Parler de repos à un dirigeant c’est comme parler de lâcher prise à un pratiquant d’escalade …

Par le biais du sport, le dirigeant comprend spontanément qu’un marathonien ne peut pas viser son meilleur temps toutes les semaines sur un marathon, qu’il existe un « pic de forme », avec un « entraînement invisible » indispensable (sommeil, nutrition, phases de repos, …). L’analogie avec le corps du dirigeant est alors plus simple à mettre en place pour sensibiliser à ce repos nécessaire, et à la recharge en énergie.

Ce repos est d’abord nécessaire pour l’entreprise, au travers de 3 indicateurs clefs (3):

1.Le fait qu’un dirigeant puisse s’absenter momentanément de son entreprise sans en affecter sa productivité est un critère de bonne santé économique. C’est une preuve que l’entreprise a les reins assez solides avec des ressources internes formées et autonomes.

2. Il existe, d’après cette étude toujours, un seuil d’heures travaillées hebdomadaires au-delà duquel la productivité du dirigeant décline. Une vie et une activité en dehors du monde professionnel permet ainsi d’être plus performant.

3. La qualité du sommeil entre aussi en ligne de compte

Au travers de ces trois critères le sport devient un allié de l’efficacité de l’entreprise en étant un facteur d’absence temporaire du dirigeant, lui permettant de limiter son présentéisme et en étant générateur d’un sommeil plus reposant.

Et évidemment, le réseautage est également très efficace au travers du sport.

Ces dirigeants sportifs interrogés mettent ainsi en lumière ce rapport au corps et à sa régénération :

« J’ai longtemps subi l’alimentation d’une cadre commerciale: restaus, horaires irréguliers, grignotage … J’ai compris que j’étais dans un cycle infernal où je ne me faisais pas du bien sur le plan alimentaire et que à la limite, je m’entraînais pour compenser ! » – Roxanne Galarneau

« Il y a un parallèle très intéressant entre le sport et le travail. Le corps peut encaisser de grandes charges de travail, mais il doit impérativement avoir des cycles de repos pour durer dans le temps » – Christophe Leray

« Mon corps c’est mon outil de sécurité et j’en prends soin » « Le sport est indispensable pour quelqu’un comme moi qui fait entre 45 000 et 60 000 km par an de voiture » – Jean François Roulaud

« Je mange beaucoup plus le soir quand je n’ai pas fait ma micro sieste de 20’ à midi» – « Le sport c’est se reconnecter à son corps, l’écouter pour avoir une hygiène de vie » – Sebastien Pras

« Tous les jeudi midi, c’est cross fit pour mes salariés et je le propose aussi aux entreprises voisines » – « Pour voir les problèmes de façon « posée » au boulot, il faut être bien dans son corps : commencer ma journée à 6h30 en nageant me permet cette coupure. » – Lionel Jourdan

Emotions : le sport un outil pour le stress et l’échec

Le propre du dirigeant c’est de prendre des risques calculés, de passer au-delà de l’échec. C’est à mon sens une des caractéristiques essentielles de l’entrepreneur : l’acceptation de la prise de risques car elle est moins risquée que l’inaction, ce qui a notamment comme corollaire stress et angoisses. Le sport apporte des réponses mentales en permettant le détachement. Cela est particulièrement vrai dans les sports d’endurance longue où la résilience est un facteur clef.

L’apport mental est de savoir se détacher des hauts et des bas, afin de continuer son chemin.

 

« Avant de faire du sport j’étais un grand migraineux à ne pas pouvoir travailler, puis j’ai compris que c’était du stress » – « L’ultra t’apprend à supporter les bas, et à gérer les hauts »  – « Tu sais prendre du recul, notamment au travers de la déconnexion que j’ai vécue lors du Marathon Des Sables en 2022 – Depuis que je suis revenu, il en faut beaucoup pour m’énerver : l’important est d’être à l’objectif à la fin de l’année et de ne pas subir » – « Tu apprends à juger les gens sur leur seul comportement, le sport enlève tout jugement social, tu as une autre approche des gens »- Lionel Jourdan

« Après une grosse gamelle de 1M€, je suis passé de 3 000 à 12 000 km/an afin de contrer la solitude de l’entrepreneur. Quand dans un col, ça ne va pas, tu mets tout à gauche, tu profites d’autres choses, tu manges et tu avances. Au boulot c’est exactement la même chose pour moi »- « La vie comme le sport est faite de cycles : quand c’est dur, t’en baves, puis arrivé en haut du sommet tu redescends et tu récupères. Et ça recommence. C’est quand tout va bien que j’ai le plus peur maintenant. Le plus important ce n’est pas la destination, c’est le voyage et la plupart du temps tu arrives à un autre endroit. » – Sebastien Pras

« Le golf m’aide à être « clean » sur la gestion des émotions et cela m’aide à ne pas répondre aux défis posés au balourd de rugbyman» – Norman Wende

« En sport, comme au travail, le plus vite on a fait sa liste de deux colonnes “ce qu’on maîtrise” et “ce qu’on ne maîtrise pas”, le plus vite on y voit clair. On ne maîtrise pas les éléments. On ne maîtrise pas la distance (elle est fixée, c’est comme ça). On ne maîtrise pas ses clients, ses concurrents, sa direction et les décisions qu’ils prennent. Mais on maîtrise ses objectifs » – Roxanne Galarneau

« Être un leader c’est accepter ses propres limites. Grimper un sommet c’est un investissement colossal, qui nécessite l’acceptation du risque raisonnable, être à la fois dans le présent de l’effort et l’incertitude » – Jean François Roulaud

  

Renforcer estime de soi et confiance en soi grâce à la pratique du sport

La confiance est la croyance en ses capacités à atteindre un objectif. L’estime de soi est plus profonde : c’est l’image que nous avons de nous-même, notamment au travers de ce que nous pensons voir dans le regard des autres.

Le sport est un allié essentiel pour le dirigeant d’entreprise en lui permettant de :

  • solidifier ses piliers de vie,
  • consolider sa connaissance de ses points forts,
  • et ressortir plus fort des obstacles rencontrés physiquement.

« Après le rugby je me suis mis au trail/ultra trail, un sport aux antipodes pour moi. J’ai fait ce qu’il y avait à faire et j’y suis arrivé. Ça m’a beaucoup apporté sur l’estime de moi» « Le sport amène la confiance en soi surtout à haut niveau, et enlève les blocages de se lancer. » – Norman Wende

« Sur le Trail de Haute Provence, quand beaucoup se sont assis et ont arrêté, j’ai continué et j’en suis fier » – Jean François Roulaud

« Sur la SaintExpress 2021, l’expérience vécue a été hyper nourrissante pour passer les moments difficiles psychologiquement. Quand tu contemples le chemin parcouru, c’est hyper kiffant. » – Sebastien Pras

« Il n’y a ni chance, ni malchance. Si tu fais les choses bien tu as plus de chance d’avoir de la chance. Même au fond du trou, rien n’est perdu. Ça passe ou ça casse et quand ça casse, ça passe quand même – I Endure for Her» – Lionel Jourdan

  

Comment rester motivé : les recettes du sport

La motivation a fait l’objet en sport de nombreux écrits. La recette « magique » tient principalement à l’étymologie . Un petit tour sur l’étymologie du mot est intéressant : motivation est issu de “motif”, qui vient lui du latin “motivus” qui veut dire “mobile” et “movere” se mouvoir donc “ce qui met en mouvement” (article complet ici).

Notre cerveau est ainsi fait qu’il ne peut avancer s’il ne sait pas où il va : pour être motivé il est nécessaire de savoir quel objectif je vise afin de « me mettre en mouvement », principalement par des petits pas afin d’avoir rapidement un feedback positif qui entretient ce mouvement et donc la “motivation”.

Si la recette paraît simple, le sport amène dans l’entreprise un ingrédient essentiel : la routine quotidienne. Cette routine a un sens positif ici : je fais ce qu’il faut faire même sans envie car c’est dans le plan d’entraînement !

« Je travaille comme je fais du sport : je cadre, je définis, et je fais même sans envie et j’ai la satisfaction de l’avoir fait en retour» – Lionel Jourdan

« J’ai compris que la concentration pour moi, vient avec le sens. Je suis à fond dès que j’ai trouvé LE sens. Donc, comme pour un entrainement, il faut que j’y adhère pour faire le job» – Roxanne Galarneau

« Certains sportifs font du golf, de la musique, très loin de l’univers de leur sport. Moi, je fais de la batterie et je peux jouer plusieurs semaines un morceau pour arriver à le jouer parfaitement. Ce qui m’aide dans le sport avec les nombreuses répétitions (natation, run). Et dans le travail pour recommencer les essais, les calculs afin d’arriver aux meilleurs résultats » – Christophe Leray

  

Objectifs : se détacher des résultats immédiats

En entreprise, dès que nous parlons objectifs, l’acronyme SMART est mis en avant. Et après 20 ans comme manager ou dirigeant d’entreprise, je pensais sincèrement que le sport ne pouvait que s’inspirer de ce type de méthode.

Le sport propose néanmoins deux composantes supplémentaires que je trouve très intéressantes pour un dirigeant d’entreprise :

  • Les objectifs sont dans un fil continu, reliant court-moyen terme et long terme. Les objectifs partent d’un pilier de vie, ancrés dans une raison d’être, jusqu’à être déclinés au quotidien. Finis les objectifs sans action au quotidien, et sans lien avec les émotions positives quand vous êtes sportifs !
  • Le sport, et particulièrement dans sa partie préparation mentale différencie les objectifs de résultat (anxiogène) des objectifs de processus ou de maîtrise. 

« Un cycle d’entrainement, c’est pareil qu’un appel d’offre: il y a une date de fin et ça ne sera pas simple. Il faut l’accepter et se dire que chaque jour, pas à pas, on se rapproche de cette ligne de départ » – Roxanne Galarneau

« Je vois plusieurs types objectifs. Ceux journaliers qui construisent l’objectif principal. Et l’objectif principal qui est à court ou long terme. Ma règle est de définir tous les soirs les objectifs du lendemain. Dans le sport, je refais le point sur mes entraînements et je prépare mes affaires. Dans le travail, je note toutes les tâches à réaliser avec les points à atteindre ou à obtenir » – Christophe Leray

 

 Le principe Eureka : la créativité par le sport

La pratique sportive et notamment les sports d’endurance induisent un détachement « mental » très proche de l’autohypnose ou de la méditation, moment propice aux solutions créatives (pour en lire plus sur les « états hypnagogiques », lire ici)

« Dans mon cas, pour les devis, la différence avec la concurrence c’est à 90% le contenu et à 10% le prix- les solutions je les trouve en courant » – Jean François Roulaud

« Je ne m’en cache pas : j’ai déjà enfilé les baskets à 10h du matin après une réunion avec un client odieux. Je suis aussi sortie en douce car je n’arrivais pas à finir un texte. Dans les deux cas, je suis revenue après ma douche avec un livrable, une solution tangible. Ça arrive hyper souvent dans mon cas » – Roxanne Galarneau

 

 Le « Grit » et la concentration

Le « grit » ou la niaque est indispensable pour aller au bout que ce soit en sport ou dans ses projets professionnels.

C’est un composé de persévérance, de caractère consciencieux focalisé sur ce que je peux et dois faire, et une vision claire de ses objectifs ayant le plaisir comme racine.

De plus, en sport, la mise en action est à une date imposée. Le départ de la course, du raid, …. se fait à jour et heure donnés, que vous soyez ou pas prêts à 100%.

« Pour ma part j’applique ce qu’a enseigné Yoda à Luke : N’essaie pas ! Fais-le, ou ne le fais pas ! Au travail comme en sport, t’y vas ou tu n’y vas pas. Et je suis formaté pour y aller» – Sebastien Pras

« Personnellement, je pense juste qu’être organisée permet de vivre à 100% et sereinement. Je ne speed jamais. J’anticipe tout ce que je peux. Je fais des gamelles par fournée, je congèle tout ça. Je ne fais qu’un sac de sport pour la semaine. Je n’organise jamais une réunion sans avoir communiqué les préparatifs de chacun et les attendus à la fin de la réunion » – Roxanne Galarneau

« L’alpinisme m’a appris à me concentrer sur ce que je devais maîtriser et à m’engager sur la voie, à avancer pas à pas» – Jean François Roulaud

« Même au fond du trou, rien n’est jamais perdu. C’est avec les défis en endurance que j’ai acquis cette conviction qui est une force » – Lionel Jourdan

En conclusion ….

« Le chef d’entreprise est un sportif de haut niveau qui devrait avoir le même accompagnement qu’un sportif sur les plans mental et nutritionnel. » – Sebastien Pras


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  • Baromètre Fiducial-Ifop – 2017
  • Etude Sogregor/Harmonie Mutuelle 2017